23 février 2016

« Je voudrais être poète, maman, pour décrire tout ce que je vois, un peu comme tu me le racontes, »

(Crédit Photo : Adrian Murray)

Mes oreilles se laissent bercer par Lilian Renaud. Et je souris à chaque fois qu'il reprend "Octobre", de Francis Cabrel. Toute cette poésie, toute cette tendresse, me rappelle nos premiers chuchotements, nos premiers baisers, nos premières lettres, nos premiers soupirs. Tout me ramène à toi, tu es l'essentiel. Tu me les as offertes, "ces fleurs et ces nappes en couleur". Et on y est allé, "en haut des collines, pour voir ce qu'Octobre illumine", des milliers de fois, à des milliers d'endroits, mais toujours là, au creux de tes bras, à cet endroit précis où le temps s'arrête, où la vie n'a plus d'emprise sur les battements, les sourires.

Il y a six ans, tu as pris ma main, tu l'as empoignée, serrée si fort, et nous avons cessé de marcher, pour ne plus que danser, danser, virevolter, sur le chemin de la vie. Je suis cette feuille que ta brise embrasse et emporte loin, dans un voyage éternel, une beauté insondable, des couleurs irréelles ; Mon Octobre.

Nos projets ont pris possession de cette toile, la peinture de nos journées, l'aquarelle de nos activités, n'a de fin que dans tes baisers, pour reprendre de plus belle ; hirondelles. Et Paris comme frontispice de nos rires, Paris comme un pinceau délicat. Et peinturlurer nos doigts, pour dessiner des ballons, dans le pli de ces commissures, qui nous emportent, transportent, jusqu'au bonheur enfantin, innocent et pur.

Notre enfant sera heureux, au milieu de nos cœurs tambours, dans le vacarme de notre amour. Nous n'avons jamais perdu l'innocence que nous lirons dans ses yeux, nous n'avons jamais abandonné l'émerveillement enfantin, nous avons su embrasser l'adulte subrepticement glissé sous notre peau tout en continuant de tenir la main à l'enfant qui est en nous.

Je le vois ici, courir après toi, pour attraper le ballon que tu foules de tes pieds. Ou encore ici, dans cette cuisine pleine de farine, ses petites mains dans la pâte froissée. Je le vois à table, à peindre avec moi, tirant sa langue pour que la fleur soit aussi précise que celle qu'il a cueillie l'heure d'avant. Je le vois dans notre lit, une nuit d'orage, enfoncé sous les draps, pendant que, fatigués mais réunis, enveloppés, nous écoutons tous les trois la poésie de la pluie sous ce Velux ; et lui raconter que la pluie sait faire des claquettes, pendant que ses yeux, nonchalamment, se ferment. Je le vois, sur ton dos, rire aux éclats, le temps d'un papa avion, papa éléphant, papa marathon. Je le vois dans sa robe ou sa salopette, attrapant les fourmis, dans notre petite cour ensoleillée. Mais je le vois aussi, endormi dans tes bras, après une journée à courir aux Jardins des Tuileries, où nous avons pu refaire le monde, main dans la main, en le surveillant. Je le vois, après une balade hivernale en pleine forêt, avaler goulument son chocolat chaud et rire aux éclats car nous avons tous les trois une moustache de lait ; et ce rire, entendre ce rire résonner, pendant que tu l'attrapes pour lui faire un bisou lait. Je vous vois, un samedi matin, les mains derrières le dos, me sauter dessus au fond du lit et m'enlacer de votre bouquet de pivoines ; se blottir tous les trois les uns contre les autres et préparer le programme de notre grande journée. Je nous vois, lui choisir ses vêtements, lui apprendre le goût des belles choses, en faire notre bébé parisien. Et tes premiers pas au Parc de Saint-Cloud, dans tes petites chaussures en cuir chat ou renard, à tomber dans les bras de papa, à quatre pattes, qui t'inonde de bisous. Et te retrouver, tes petits pieds dans mes chaussures à talons, bien trop grandes pour toi, mais irrésistible. Au moment de partir au travail, t'entendre dire à papa : "Maman, elle est cro zolie" et ne plus arriver à partir. Et tes premiers poèmes, tes premiers bisous baveux, tes premiers voyages, tes premiers bobos, tes premiers bouquets de feuilles mortes, tes premiers mots, tes premiers livres, tes premiers combats, tes premières fiertés,... Et à chaque fois que tu lèveras les yeux, papa et maman seront toujours là. A chacune des étapes de ta vie. Pour chacune de tes forces, chacune de tes faiblesses. D'un amour inconditionnel. Pour ce que tu es, pour ce que tu deviens. Et maintenir cet émerveillement, au fond de tes yeux, à 1, 3, 8, 15, 30, 50, 80 ans, et que tu n'oublies jamais combien papa et maman s'aimaient et embrassaient la beauté de la vie. Mon trésor, la vie, cette merveilleuse vie, n'attend que toi.

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